Ecological Stress Tests for banks

16/02/2020



Ecological Stress Test for banks

Une étrange idée de calculer l'impact du changement climatique sur la santé financière des banques

Luc ABITBOL - Expert-comptable ACE ORGA LAB - 01.2020

INTRODUCTION

Comment penser que l’industrie bancaire la plus hermétique à toute réflexion écologique, la plus propice aux réunions de climato-sceptiques, pourraient s’intéresser aux évolutions futures du climat.
  • Mais si les températures augmentaient dans les grandes capitales financières, il suffirait d’augmenter la climatisation des bureaux.
  • Mais si les clients s’orientaient vers des nouvelles activités industrielles suivant une nouvelle « mode » écologique, il suffirait de développer des départements green business pour mieux les accompagner.
  • Mais si les investisseurs blacklistaient les acteurs peu scrupuleux du respect de notre terre, il suffirait d’émettre des rapports vertueux démontrant l’implication de la banque pour réduire son empreinte carbone.
Aujourd’hui les autorités de marchés prétendent aller plus loin. Elles veulent démontrer que certaines banques trop présentes sur des activités consommatrices de gaz à effet de serre ou que d’autres banques trop investies dans des zones impactées par le réchauffement climatique seraient dans des situations risquées. L’orientation écologique deviendra une nécessité stratégique au lieu de n’être qu’une orientation marketing des Grands Banques d’investissement et des Grands banques de Détail.

Nous rappellerons d’abord les initiatives de stress test de la Banque centrale européenne pour étudier dans une deuxième temps les premiers pas des stress tests sur le climat de certaines banques centrales nationales européennes (Banque nationale des Pays bas, Banque d’Angleterre et Banque de France).

LES STRESS TESTS DES "BANKS TO BIG TO FAIL”

Après la Faillite de la banque Lehman Brothers en Septembre 2008 et la crise de la dette souveraine en 2011 en Europe, l’Union européenne a créé l’Autorité bancaire européenne (ABE) ou European Banking Authority (EBA) afin de renforcer le système européen de supervision financière constitué auparavant uniquement des autorités règlementaires des banques nationales européennes. L’ABE est en particulier en charge d’évaluer les risques et la vulnérabilité du secteur bancaire Européen. Cette évaluation est conduite par des stress tests exécutés sur les bilans des banques par des auditeurs et experts comptables européens qui suivent une méthodologie, des scénarios, un modèle et une mesure de l’impact.

Les dernières années l’autorité bancaire a pu tester la solidité des banques européennes principales dans des conditions sévères mais également plausibles. L’objectif est d’évaluer la santé des banques principales européenne en cas d’évolutions importantes de défauts des clients ou de défaut d’Etat (risque souverain) ou encore de hausses des taux d’intérêt.

Les résultats de ces tests sont ensuite soumis aux intéressés et rendus publics. Le paradoxe de ces stress tests est qu’ils doivent modifier les pratiques des banques (augmenter les fonds propres de certaines banques par exemple ou diminuer l’exposition à certains Etats) mais sans engendrer une panique des marchés financiers et une diminution du risque de liquidité par une méfiance à l’égard d’un trop grand nombre de banques européennes. Jose Manuel Camba, Président de l’autorité bancaire européenne ne souhaite pas que les stress tests soient un concours de beauté pour les banques européennes mais plus tôt une occasion de découvrir les zones de faiblesses et d’engager des discussions avec les autorités règlementaires pour améliorer la résistance aux chocs économiques.

En 2018, les stress tests se sont étendus à 48 grandes banques (dont six banques françaises) et ont prouvé la très bonne résilience des banques en cas d’évolutions sévères. Les banques ont été testés en application des nouvelles normes de provisionnements de créances prévues par la norme IFRS 9 et en prenant en compte des risques sévères liés au Brexit. Les banques ont été étudiées sur une période prospective de 3 ans entre le 1er janvier 2018 et le 31 Decembre 2020 en prévoyant un scénario normal (« base line ») et un scénario sévère (« Adverse »). Le scénario optimiste a pris en compte les prévisions macroéconomiques fin 2017. Le scénario pessimiste a étudié des retournements économiques sur :
  • Risque de crédit (public et privé)
  • Risque de marché (Risque de contrepartie et risque de défaut sous-évalué)
  • Risque opérationnel et la conformité
  • Des risques de baisse du produit net bancaire.
En novembre 2019, l’autorité bancaire européenne a publié la méthodologie et les modèles de tableau d’analyse pour les stress test 2020 :
  • Lancement des tests en janvier 2020
  • Présentations des résultats des stress tests entre Avril et Juillet 2020
  • Publication des résultats fin juillet 2020.
Les stress tests semblent bien organisés pour superviser la santé financière et la résilience du système bancaire européen. Pourtant pour certaines banques nationales européennes, ces tests de résistance doivent s’étendre à l’évolution de la santé financière des banques face à des risques climatiques.

LES STRESS TESTS SUR LE CLIMAT

La banque centrale néerlandaise avait imaginé en 2018 quatre scénarios de risque climatique (choc réglementaire, choc technologique, les deux chocs combinés, choc de confiance) et conclut que « les résultats des tests de résistance suggèrent que les pertes subies par les institutions financières en cas de transition énergétique perturbatrice pourraient être considérables, mais également gérables. »

Le Gouverneur de la Banque d’Angleterre a annoncé en Mars 2019 la préparation de stress tests sur les institutions financières anglaises face aux effets climatiques et que les changements climatiques auront un impact important sur les valorisations des actifs financiers. Le 18 décembre 2019 la Banque d’Angleterre a publié un document de travail pour un stress test sur les banques et les Compagnies d’assurances anglaises en 2021. Le cadre de ces scénarios d’exploration biannuels (BES) définitif sera publié au deuxième semestre 2020.

Le gouverneur de la banque de France, François Villeroy de Galhau, a annoncé le 29 novembre 2019 lors de la cinquième édition du Climate Finance Day, conférence sur la finance et le climat que la Banque de France publiera au premier trimestre 2020 une méthodologie sur la résistance des banques françaises face à trois scénarios sur les risques climatiques. Les stress tests auront lieu entre le 2e et le troisième trimestre 2020 et les résultats seront publiés au dernier trimestre 2020. La banque de France est investie d’un véritable défi technique qui pourrait inspirer d’autres états et probablement également la banque centrale européenne.

L’enjeu de ces stress tests sera de reconnaître les impacts des évolutions règlementaires sur certains industries et probablement sur les prêts faits à ces industries polluantes. Les autres risques climatiques seront les évolutions technologiques liés à la recherche d’un développement durable de l’économie. Le métier de la gestion d’actifs n’échappe pas à cette évolution d’orientation écologique qui mettra hors-jeu tous les acteurs financiers qui continueront à proposer des investissements traditionnels.

CONCLUSION

Les acteurs du monde bancaire (Direction Règlementaire, Direction de l’Audit interne, Direction stratégique, Auditeurs, Avocats, Conseil) sont en attente des publications des stress tests climatiques de la Banque de France et proposeront leur point de vue dès cette année 2020 de réalisation de ces tests.